Angoisses

Encore un dimanche ! un de plus où il faut trembler dans l’attente d’un événement inconnu………

Le petit déjeuner s’est bien passé. Ouf ! Le père et la mère de Jm semblent gais et prêts à oublier beaucoup de choses. Jm quitte la table et monte dans sa chambre. Elle a un lot de devoirs à faire et des « compositions » à étudier ; des pages et des pages à savoir par cœur. C’est de l’histoire et Jm n’aime pas l’histoire. Elle a toujours eu l’impression que l’histoire racontée dans les livres n’avait rien à voir avec l’histoire réellement vécue par les peuples. Elle préfère la géographie car au moins on peut aller vérifier sur place.

Jm se plonge dans son livre d’histoire et perd la notion du temps. Tout à coup elle entend son père crier et sa mère pleurer. Que se passe-t-il ? Jm quitte sa chambre et se dirige vers l’escalier qu’elle se garde bien de descendre, trop inquiète d’être prise à témoin.

Elle écoute dans le plus grand silence. Son père est très en colère comme souvent le dimanche, il a toujours une bonne raison, mais celle d’aujourd’hui ressemble à celle de la semaine dernière. Jm se sent coupable. Son père veut passer la journée à la mer et sa mère ne veut pas car Jm doit réviser, personne ne demande à Jm si elle peut réaliser le désir de son père qui bien sûr risque fort d’être le sien. Sa mère déteste quitter sa maison et profite de cette excuse pour jouer les sacrifiées. La conversation, si l’on peut appeler cela une conversation, est très animée, chacun essaie d’avoir raison, finalement son père s’en va en claquant la porte. Jm se sent mal, de plus en plus mal, elle respire à peine, n’ose pas descendre, n’a aucune envie d’entendre dès le matin la rengaine de la mère qui délaisse son mari pour sa fille alors que ce sera pour elle une journée délicieuse assise devant la télévision.

Jm repart vers sa chambre en ne faisant aucun bruit. Elle fera semblant de ne rien avoir entendu. Si elle descend sa mère va lui raconter ses misères et adieu les révisions !

Elle ouvre son livre d’histoire, son cœur bat encore la chamade, il lui est difficile de se calmer. Elle se sent rétrécie au fond d’elle-même, incapable de bouger, de lire. Elle se rappelle ce  mardi soir à son retour de l’école où elle trouva sa mère en pleurs. Celle-ci lui montra son cou rougi et prétendit que son père avait voulu l’égorger. Jm était très choquée, bien qu’elle prenne de plus en plus conscience des comédies de sa mère, mais elle n’avait pas osé demander des explications à son père.

Jm n’avait que douze ans et ne devait pas se mêler de la vie des grands, d’ailleurs elle ne revit pas son père avant plusieurs jours.

Depuis ce soir là Jm vivait dans l’inquiétude et craignait toujours que la dispute finisse mal. L’angoisse pendant ces altercations la pliait parfois en deux et elle se dépliait comme une petite vieille en retournant dans sa chambre. Chaque dimanche c’était la même scène, sa mère provoquait la dispute, ce qui lui assurait un dimanche de tranquillité. Jm se sentait coupable malgré elle car sa mère disait à qui voulait l’entendre qu’elle se sacrifiait pour que sa fille ait de bons résultats scolaires. Bientôt son père prit le parti de ne rien dire et d’être le plus souvent possible en voyage d’affaires. La mère de Jm semblait attendre ces voyages avec impatience et même parfois les provoquer. Une fois son mari parti elle semblait satisfaite et Jm en vint à aimer les absences de son père uniquement pour faire cesser ses angoisses, ce que celui-ci prit pour de l’indifférence vis-à-vis de lui, mais Jm était incapable de lui expliquer ce qu’elle ressentait d’autant plus qu’elle était rarement seule avec lui, sa mère n’aimant pas les apartés entre le père et la fille.

Les angoisses de Jm étaient collées au dimanche et pour Jm ce fut toujours le moins bon jour de la semaine.